• Quelle journée épuisante ! Et surtout quel bonheur d’être enfin chez soi. Ce soir, personne ne m’en dissuadera, je jouerai à un jeu sur mon ordinateur… Among Us : c’est un jeu vidéo qui n’est pas particulièrement prise de tête si on oublie les quelques rageux qui traînent sur les différents serveurs. Et puis de toute façon, je n’ai jamais été le genre de personne à savoir quoi faire quand me vient l’envie de faire quelque chose ; à quoi bon me casser la tête si je ne parviens pas à faire mon choix ? Trop de possibilités, c’est des heures de misère pour quelqu’un comme moi. En conclusion, il est bien plus simple de prendre le premier jeu qui me vient sous la main plutôt que de me creuser les méninges ! Croyez-moi, si j’en étais capable je n’hésiterais pas un seul instant à jouer à absolument tous les jeux que j’aime en même temps. 

    Ah ! Ne commence pas à t’éparpiller, tête de linotte ! Ce sera le jeu de l’équipage et des imposteurs et ce n’est pas négociable. On ne réfléchit pas ; on se détend.

    Le problème c’est que le soir venu, je fis une découverte vraiment intéressante. Un jeu qui m’intriguait beaucoup depuis que j’étais tombé dessus en flânant dans la section "magasin" de Steam. Il ne payait pas de mine pourtant. Le résumé offrait une histoire de survival horror plutôt banale : un groupe de personnages était coincé à l’intérieur d’un immense bâtiment qu’il vous fallait quitter à tout prix tandis qu’une créature, sûrement très moche et flippante, vous pourchassait. Plutôt classique pour résumer. Sauf que parfois, ce qui a l’air banal ne l’est pas tant que ça et puis… le jeu n’était pas vraiment cher. Je pouvais bien lui donner une chance !

    C’est décidé ! J’achète ce jeu et je le commence une fois l’installation terminée !

     

     

    Vous ne savez pas où vous êtes.

    Vous étiez pourtant bien enfoncé dans votre fauteuil, une boisson chaude à la main.

    Mais c’était avant que tout ne devienne qu’un épais brouillard d’obscurité.

     

     

    Sans trop savoir comment, vous êtes à présent à l’intérieur d’une large pièce toute de béton construite. Vous n’êtes pas seul. D’autres personnes reprennent doucement connaissance, toutes éparpillées ici et là, dans cette large salle. Vous ne les connaissez pas. Et elles ne vous connaissent pas. Ce n’est pas un très bon début…

    Il fait plutôt sombre. Heureusement, vous récupérez une lampe torche. C’était beaucoup trop facile. Un peu comme si vous étiez tombé dans un jeu vidéo d’horreur au scénario des plus ordinaire et simpliste. Mais vous n’allez pas vous en plaindre. Quoique. Vous constatez qu’elle n’éclaire pas beaucoup, ni très bien. Elle fera l’affaire quoi que vous en pensiez. Ce n’est pas comme si vous aviez le choix, de toute façon : c’est votre seule source de lumière fiable.

    Vous n’êtes pas certain de savoir pourquoi vous vous y risquez, mais vous allez à la rencontre de l’un de vos compagnons d’infortune. Pourquoi pas après tout ? Vous lui demandez s’il sait où vous pourriez bien vous trouver. Il ne sait pas. Vous n’êtes pas plus avancé. Bon. Il va falloir prendre encore plus de risques. Ce n’est pas comme si vous aviez le choix, de toute façon.

    Ce n’est pas comme si vous aviez le choix.

     

     

    Effectivement. Le jeu ne s’annonce pas tip-top.

    On dirait un énième jeu d’horreur sans réel scénario.

     

     

    Sauf qu’il ne faut jamais juger un livre à sa couverture et encore moins à ses premières pages ! Ce n’est pas en arrêtant la lecture qu’on se laissera prendre en otage par le narrateur qui tient à nous raconter son histoire. Il va falloir que je fasse un effort si je veux me laisser surprendre par une possible dinguerie. Ce n’est que le début de l’aventure ; beaucoup de mystères et de frissons m’attendent, j’en suis convaincu. Je le sens dans mes tripes ! Quelque chose de surprenant va se produire. Je le sais. Je le sais. Il faut juste que je me force un peu à continuer ce jeu.

    Qu’est-ce que je peux dire d’autre ? Tout en me posant la question, j’attrape ma tasse brûlante de chocolat chaud par sa anse et je jauge la température en approchant mon nez ainsi que mes lèvres près du bord. Ah ! Encore trop chaud pour être bu sans se faire mal ! Quelle misère. Où est-ce que j’en étais au juste ? Ah oui ! Les graphismes. Les graphismes sont plutôt… sommaires. Mais ce n’est pas à la qualité d’image ou au réalisme audiovisuel d’un jeu vidéo que je décide si celui-ci est mauvais ou non : j’aurais en horreur les pépites de la PS1 et d’autres bonnes vieilles consoles si c’était le cas. Et ce n’est pas le cas, croyez-moi.

     

    ‹Excusez-moi, monsieur… Est-ce que vous sauriez où nous sommes ? demande mon personnage à un PNJ plutôt générique. Celui-ci secoue la tête de droite à gauche.

    —Désolé, petit… Mais je suis aussi perdu que toi.› répond-il sans que cela ne me surprenne vraiment.

    « Même les dialogues sont bateau ! » fut la pensée qui me traversa l’esprit à cet instant bien précis.

     

    Diantre de fiente de pigeon ! Pourquoi faut-il que les personnages possèdent des dialogues aussi génériques que la face de ce personnage non jouable ? Calme… Calme… Il faut garder le cap ! Tu as promis de donner une chance à ce jeu. Tu as décidé que tu y jouerais et tu vas t’y tenir. Courage, soldat. Tu peux toujours être surpris. Ce n’est que le début. Et pour continuer, il va me falloir quitter la pièce où se trouvent les personnages que je vais devoir garder en vie. Le jeu m’y invite alors j’accepte sans sourciller de continuer l’aventure.

     

     

    Vous avez quitté la pièce.

    Le reste de l’immeuble est plongé dans la pénombre.

    Aviez-vous seulement fait le bon choix en quittant votre abri illusoire ?

     

     

    Vous et vos compagnons d’infortune êtes tous armés de lampes torches. Toutes aussi inutiles les unes que les autres. Des bruits non identifiés attirent votre attention. Des bruits qui ne sont visiblement pas faits pour vous rassurer. Enfin… On dirait que vous n’êtes pas seuls. Est-ce seulement une bonne chose ? Seraient-ce des survivants ? Perdus, tout comme vous, dans ce gigantesque labyrinthe de béton ? Comment le savoir ? Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

    Vous progressez doucement. Tout doucement. Vous avancez à pas de loup. Vous vous enfoncez dans cette immensité de couloirs et de pièces vides. L’ambiance générale est beaucoup trop calme. Un silence plat bourdonne dans vos oreilles. Vous restez groupés. Vous vous agglutinez les uns contre les autres. Quand bien même vous ne vous connaissez pas, vous avez tous l’impression d’être un peu plus en sécurité en compagnie de chaque membre de votre équipe. Comme si votre masse pouvait vous protéger de toute menace éventuelle. La peur est grande. Et la prise de décision se limite à ce que votre instinct de survie vous ordonne de faire.

    Un sifflement. Vous pouvez entendre un sifflement. Il déchire le silence environnant. Il vient ensuite un grognement. Un horrible grognement. Pareil à celui d’une bête sauvage. Que se passe-t-il ? Vous êtes persuadé d’avoir entendu quelque chose. Pourtant, vous n’êtes pas certain de savoir ce que ça pouvait être. Un bruit… de viande que l’on tranche ? Et des cris. Vous pensez avoir entendu des cris. Tout fait si noir. Vous aviez pourtant une lampe torche dans les mains, non ?

    Tout fait si noir à présent.

     

     

    Wouah ! Purée de pommes de terre !

    C’était quoi ça ? Qu’est-ce qui vient de se passer ?

     

     

    Je n’ai même pas eu le temps d’explorer cette fichue map que je me suis ramassé un jumpscare ! Et pas un petit en plus : c’était du costaud. Oui. Oui, oui, oui. Au point de croire que j’allais tomber de ma chaise. J’ai bien failli d’ailleurs ; je me suis cogné le genou contre le bureau et bon sang que ça fait mal ! Ça fait un mal de chien ! C’est comme si une décharge électrique me traversait l’os… La rotule ou le fémur ? Raaah ! Peu importe. J’ai eu beaucoup de chance en vrai. J’avais heureusement trouvé un checkpoint un peu plus tôt dans le jeu. Et qui dit checkpoint dit "pas besoin de recommencer la partie au tout début".

    Par contre… j’ai l’impression que mon personnage n’est pas revenu au point de sauvegarde que j’avais utilisé. Attendez que je m’explique ! Au lieu de réapparaître là où j’ai écrasé les données de ma partie, le personnage s’est retrouvé beaucoup plus loin ; dans une zone de la map que je n’ai jamais visitée. Avec ses PNJ de potes. Que-ce qui que quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que c’est un bug ? J’aurais activé un glitch sans le faire exprès ?

    Je dois vous avouer que je suis un peu perdu. C’est trop bizarre. Pourquoi je ne me suis pas contenté d’une ou deux parties d’Among Us ? Moi et les coups de tête stupides…

    Enfin ! Revenons à ce maudit jeu et surtout à mon personnage… qui ne semble pas particulièrement en forme. Pas en forme du tout, j’ai envie de dire. À bien y regarder, on dirait que tous les personnages ne sont pas dans leur assiette. Et surtout, on dirait qu’ils se souviennent de ce qui s’est passé. Ils en parlent même ! Est-ce que cela fait partie du script du jeu ? Je me le demande.

     

    ‹Vous avez vu comme moi ce truc ? Je ne l’ai pas imaginé ? questionne l’un des personnages non jouables, le regard visiblement envahi par la peur. Il a l’air terrorisé.

    —Non. Non… Je l’ai bien vu, moi aussi. Nous l’avons tous vu.

    —C’est pas possible ! Ce n’est pas réel ! Nous avons vu… vu quelque chose qui… Ce gosse s’est fait décapité, nom de Dieu !

    —Oui. Et pourtant, il se tient devant nous. En vie. La tête sur les épaules. Quoique… Laisse-moi voir ça.› exige un autre bonhomme que je ne pourrai jamais jouer. Il s’approche de mon personnage et examine attentivement la gorge de celui-ci.

    ‹C’est bien ce que je pensais… marmonne-t-il en tâtant une espèce de cicatrice qui semble faire le tour de la gorge du personnage principal.

    —Et qu’est-ce que tu pensais, hein ? demande le plus hystérique d’entre tous.

    —Il a bel et bien été décapité. Les marques autour de son cou en sont la preuve. C’est comme si... une force supérieure voulait absolument nous garder en vie.› déclare-t-il devant un public effaré, moi compris.

    « C’est quoi ce bordel ? Ça fait partie du script ? » est la seule chose qui accepte de sortir de ma bouche.

     

    Ok ! Temps mort ! Stop. Ça suffit. C’était quoi ça ? Ça devient beaucoup trop effrayant pour moi, là tout de suite. J’avais prévu de me détendre ce soir. Je ne pensais pas vraiment à me vider dans mon froc ou à passer le restant de la nuit terré sous mes couvertures sans trouver le sommeil. Je me lève donc sans attendre de ma chaise, j’attrape ma souris et je clique sur la petite croix rouge sans une once d’hésitation pour fermer le jeu. Je m’écarte de mon écran, comme si quelque chose pouvait en sortir à tout moment pour venir s’agripper à moi et je fixe un très long moment la page Steam du jeu pour ensuite me concentrer sur l’icône de celui-ci. Je ne vais pas le supprimer mais je ne risque pas d’y retoucher avant un bon moment. Assez d’émotions fortes pour ce soir. Je crois que j’ai eu ma dose. Peut-être qu’un jour j’y rejouerais… mais pas tout de suite. Peut-être jamais. Je ne sais pas. Je verrai bien.

    Ils ne t’attendront pas.


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