• « Demain est un autre jour » était le refrain que tous adoraient vous scander avec ardeur… et pourtant, vous aviez le sentiment de revivre encore et toujours la même rengaine. La même journée. En boucle. Sans jamais pouvoir échapper à ce vil et sordide purgatoire : il y avait tout d’abord cette lumière froide et éblouissante. Immaculée, elle brûlait avec une fascinante aisance vos rétines, vous privant d’un précieux allié qui était modestement connu sous le nom de "La Vue"… un ami de longue date pour ceux qui avaient eu l’honneur de faire sa connaissance.

    Après que votre fidèle compagnon eut repris ses esprits, Dame Regret, une ennemie que vous connaissiez plutôt bien, n’hésita pas un seul instant à se joindre à la fête qui battait son plein : la discordante mélodie qui titillaient vos oreilles, depuis que vous aviez quitté votre petit nid douillet, possédait à présent de quoi illustrer les notes cinglantes qui entouraient en ce moment même votre fragile personne.

     

    Ces illustrations que j’ai mentionnées un peu plus tôt s’avéraient être des créatures à la silhouette difforme, irréelle ; des ombres terrifiantes, des monstres crachant un venin empli de bruits confus et de sons que vous seriez bien incapable de traduire. Quelque chose qui s’empara de votre gorge pour la serrer de toutes ses forces.

    Ces choses étaient incroyablement rapides et pourtant si lentes, se mouvant dans un parfait paradoxe rythmique à s’en donner la migraine. Vous les regardiez et vous tentiez de comprendre leur dialecte, en vain. Vos prunelles s’épuisaient à essayer de traduire le moindre geste, là où vos oreilles refusaient de transmettre l’information à votre cerveau... à vrai dire, même votre disque dur organique refusait de recevoir ces messages cryptiques et mystérieux.

    Vous étiez le spectateur de votre propre série télévisée, une émission dans laquelle vous jouiez votre propre rôle sans réellement vous en rendre compte… sans vraiment comprendre ce qu’il fallait faire. Sans savoir ce que ces créatures attendaient de vous. Vous vous teniez sur la scène, debout et immobile, faisant face à une foule de visages familiers : le vôtre. En plusieurs exemplaires.

     

    À votre grand malheur vous constatiez que ce spectacle, auquel vous participiez bien malgré vous, n’en était encore qu’à sa prélude ; nourrissant votre seul et unique désir, votre besoin viscéral de fuir le champ de bataille pour retourner vous blottir sous la couette.

    Vous ressentiez la nécessité de vous réfugier sous vos couvertures, de vous protéger de ce vilain grabuge qui viciait votre esprit déjà fragile. Il fallait à tout prix échapper à ce chaos, à cette discorde, contre lesquels votre cerveau refusait de se battre… Une confusion que ce dernier ne voulait pas comprendre : plus il essayait, plus il se déchargeait telle la batterie d’un téléphone portable à l’agonie. Et vous donc !

    C’est alors qu’un semblant de clarté vous ramena à la raison, qu’un semblant de clarté vous redonna assez de courage pour affronter la journée qui s’était présentée à vous. Vous saviez quoi faire. Vous saviez quoi faire et vous vous rappeliez de l’ordre précis dans lequel il fallait accomplir chaque mission qui vous avez été donnée ; vous aviez besoin de ce fil d’Ariane pour vous en sortir, pour vous repérer sur scène. Si jamais quelqu’un ou quelque chose venait à vous en éloigner… vous seriez perdus à nouveau et vous seriez alors en détresse.

     

    Et vous croisiez donc les doigts à vous les tordre pour que rien ne vienne faire déraper le cours de ce nouvel épisode… de ce nouvel épisode que vous subissiez en silence. Vous vouliez que tout se passe bien, que tout se passe sans le moindre encombre et ce tout en sachant pertinemment que rien n’était jamais parfait. Mais le problème était le suivant : vous vouliez que ce soit parfait. La souffrance serait donc au rendez-vous, pareillement à hier et demain serait donc identique à aujourd’hui.

     

    Pourquoi avait-il fallu que vous atterrissiez dans un monde pareil ?


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