• «Vous êtes sûr d'être encore un Jedi ?»

     

    Oh ! Oh, oui, il pouvait très clairement entendre cette phrase résonner dans son esprit. Il en était persuadé ; sa padawan ne se serait pas privée de lui poser la question si elle avait eu le malheur d’être témoin de ce qui venait de se passer. Lui-même ne savait pas vraiment quoi en penser. Il regardait l’œuvre de sa lame rouge au cœur noir. Ses deux prunelles, auparavant d’un azur pâle, ne pouvaient se détacher de la vision qui lui était présentée. Car aujourd’hui, Bengel Morr, ce Nautolan qui avait rejeté la lumière de l’Ordre Jedi pour se terrer dans le fin fond des ténèbres... Cet utilisateur de la Force qui fut un jour l’un des rouages d’une machine qu’il voulait détruire à tout prix… Il était mort. Exécuté par la lame de celui qui l’avait épargné sur Tython. Raelm n’avait que 17 ans à l’époque mais la philosophie de cet homme et la voie qu’il avait décidé de suivre ainsi que ses objectifs ambitieux avaient titillé sa curiosité. C’était pour cette raison que la petite sentinelle l’avait épargné. Et aujourd’hui, le Jedi déchu baignait dans son propre sang. Trois ans après leur toute première rencontre, le jeune homme avait tué Bengel Morr.

    Le sang de cette (pas si innocente) victime s’évaporait encore dans les airs... parce qu’au fond, vous le savez tout comme moi, un sabre laser n’est pas le genre de lame à être recouverte de sang. Si on oublie la poignée qui sert à tenir cette arme, bien entendu. D’ailleurs, cette lame rouge au cœur noir ronronnait de plaisir entre les mains de son propriétaire. Si le jeune chevalier Jedi ne pouvait assurer avec certitude que ses deux sabres avaient une volonté propre à eux, il était largement en mesure de sentir la satisfaction de celui qu’il n’avait toujours pas rangé. La lame lumineuse semblait repu. C’était un peu comme si la mort de cet homme avait calmé son appétit morbide. Une faim vorace que le jeune adulescent ne ressentait pas forcément… du moins le croyait-il.

    Après tout, il ne l’avait fait que pour une seule et unique raison : la peur d’être trahi par Bengel Morr qui lui avait pourtant juré fidélité et servitude. Une ennemie sournoise, la trahison. Toujours présente, dans un recoin sombre, visible uniquement lorsque vous utilisez votre vision périphérique. Elle passe et s’efface tel un spectre, un vague souvenir qui se dissout avec le temps… pour revenir vous hanter avec plus de hargne qu’auparavant. Elle danse sous vos yeux, elle vous nargue et sème le doute dans votre esprit.

     

    «Vous avez assassiné un esclave dévoué. Quel gâchis.»

     

    La voix du Seigneur Scourge, ancienne Furie de l’Empereur, avait ramené le jeune homme sur Terre… ou plutôt sur Corellia. Il était clair que le tricentenaire n’approuvait absolument pas ce qui venait de se produire. Étrange… Mais ce n’était pas vraiment la première fois que le Sith au sang pur manifestait un comportement qui attisait la curiosité du jeune Jedi : c’était l’une des raisons pour lesquelles il appréciait sa compagnie. L’excentricité était une qualité à ses yeux. Même si bien évidemment, Scourge restait un utilisateur du Côté Obscur pur et dur ainsi qu’un partisan, plus ou moins dévoué, des idées de l’Empire. Alors croyez-moi quand je vous dis qu’il ne fut jamais aisé d’inspirer une vive admiration chez Raelm "Rae" Trilu'sion qui éprouvait une haine assez vivace à l’encontre de l’Empire Sith… et à l’encontre de l’Ordre Jedi.

    Mais revenons à nos moutons ou bien devrais-je dire ; revenons à nos Molosses Corellien. Pourquoi ? Pourquoi avoir tué Bengel Morr ? La petite sentinelle avait beau tourner et retourner cette question dans tous les sens à l’intérieur de sa tête, aucune réponse satisfaisante lui vint. Après tout, durant ce qui fut de brèves minutes précédant l’incident, le jeune homme n’avait eu aucune intention meurtrière à l’encontre du Jedi déchu. Il comptait le laisser partir. Oui, il n’allait pas l’arrêter ou l’éliminer, cet homme "qui lui vouait presque un culte" tant il le mettait sur un piédestal. Sauf que sa lame avait tranché et la décision fut des plus fatales.

    Il allait le trahir ! Il l’aurait forcément trahi. C’était quelque chose qu’il avait appris alors qu’il n’était qu’un très jeune enfant. Avant que son père, un mercenaire qui travaillait également en tant qu’agent secret pour la République, ne l’embarque pour la planète Tython : il y aura toujours quelqu’un pour vous poignarder dans le dos. C’était ce qu’il avait retenu. Winro Re'ma lui-même, son propre père, avait abandonné sa femme au profit de son fils car, selon cet Ordre maudit, An'vil était beaucoup trop âgée pour être formée à la pratique des arts Jedi. Elle n’avait que 23 ans ! Était-ce si vieux que ça ? Était-ce trop tard ou même pire, une raison pour l’abandonner à son triste sort ? Les poings du jeune homme se serrèrent sur eux-mêmes, l’un d’entre eux (le poing droit) autour de la poignée de son sabre laser dont la lame était toujours déployée.

     

    «Ce type était fou à lier. Il se serait jeté sur nous dès qu'on aurait eu tourné le dos, répondit Raelm d’une voix plate.

    –En route, alors. On a perdu assez de temps ici» conclua le Sith au sang pur.

     

    Il avait fait ce qu’il fallait faire : Bengel Morr l’aurait forcément trahi. Une fois le dos tourné, il l’aurait attaqué de la même façon que ces personnes qui avaient eu un jour l’ascendant sur sa mère. Sa mère… Ils s’étaient rencontrés sur Nar Shaddaa. Un pur hasard. Elle travaillait désormais pour l’Empire Sith. Non plus en tant qu’esclave mais en tant qu’inquisitrice. Elle était devenue une assassin et pourtant sa naïveté et sa bonté n’avaient pas disparues. Son talent pour le sarcasme non plus. Elle n’avait pas l’âme d’un Sith. Elle aurait été une bien meilleure Jedi que lui et ça, Raelm en était parfaitement conscient. L’emprise étouffante sur la poignée de sa lame se desserra doucement au fil du long soupir qu’il poussa. Elle tremblait. Sa main tremblait.

     

    «Me'bana ? Interrogea une voix grave que la petite sentinelle ne pouvait que reconnaître.

    –Un différend, répondit froidement l’adulescent.

    –Et tu règles souvent les différends de cette façon, Rae ? questionna Winro avec un léger sourire asymétrique, Kandosii ! Si tu n’étais pas un chevalier Jedi, tu aurais fait un excellent mercenaire.

    –Ne shab'rudu'ni… marmonna le jeune homme qui foudroya du regard son père. Sa lame était encore déployée, prête à trancher.

    –Des menaces ? Vraiment ? Enfin… Je n’ai pas de temps à perdre en chamailleries, mon garçon. Laisse-moi te débarrasser de ce corps.» lui proposa le mercenaire d’une voix profonde.

     

    De la parole s’en suivit l’acte. L’homme de grande stature souleva le corps sans vie du Nautolan et le fit atterrir sur l’une de ses larges épaules. Il ne ressemblait pas à son fils : un teint foncé par des heures passées sous différents soleils et des yeux d’un bleu bien moins remarquable que ceux des Trilu'sion. Quelques cicatrices bien sûr et de la cybernétique ici et là. Winro Re’ma s’éloigna sans un mot de plus, sans un regard pour sa progéniture et s’en alla se débarrasser du corps. Qu’il détestait ce visage dur et sévère que son père arborait !

     

     

    Du sang recouvrant le visage brûlé de sa mère.

    Trahison. Encore une énième trahison.

    Un visage marqué à jamais.

    La colère. La peur. La tristesse.

    La solitude. Il était seul, désormais.

     

     

    Ce fut une main posée sur son épaule qui le sortit de ses souvenirs traumatiques : Scourge qui s’impatientait probablement et qui le regardait l’air de dire "et si on se concentrait sur notre objectif ?". Aucune interrogation. C’était quelque chose qui eu pour effet de satisfaire Raelm. Il n’avait aucune envie de s’expliquer sur cette confrontation entre son père et lui-même. Et il avait encore moins envie de s’étendre sur des sujets appartenant au passé. Heureusement que Kira Carsen n’a rien vu, rien entendu… À moins que. Si tel était le cas, il ne répondrait à aucune de ses questions. Hors de question de remuer le couteau dans la plaie.


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    (Moi ? Avoir la flemme de faire un article plus présentable ? Oui.)


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  • Dessin N°16


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